La semaine de quatre jours en cabinet : Bonne ou mauvaise idée ?

Le dispositif de semaine écourtée séduit de plus en plus de dirigeants. Mais dans les cabinets, cette nouvelle organisation fait débat. Florent Rapin et Ella Gatta-Castel, experts-comptables, partagent leurs vision.

Que pensez-vous de cette nouvelle organisation du travail ?
E.G.-C. : « La semaine de quatre jours peut être une bonne idée, à condition d’être bien pensée et organisée. On observe un tournant dans les attentes des salariés : plus de flexibilité, une sensibilité aux enjeux environnementaux et une quête de sens. Dans les cabinets, ces évolutions se rajoutent à des difficultés de recrutement et de fidélisation. Cette organisation est un réel levier si on l’adapte à notre métier et aux attentes de nos clients.
F.R. : Selon moi, c’est une fausse bonne idée. En réduisant le nombre de jours de présence des collaborateurs, le service client en pâtit. Or, notre profession repose justement sur la proximité et la disponibilité. Si les experts-comptables sont les premiers partenaires des entreprises, c’est parce qu’ils sont accessibles et présents au quotidien.

Quels enseignements tirez-vous de ce dispositif ?
E.G.-C. : Il y a deux ans, Qintens a été l’un des premiers cabinets à instaurer ce dispositif. L’expérience nous a montré que cela fonctionne si l’on accompagne le changement. Nous avons observé ce qui se faisait ailleurs, adapté le modèle à notre secteur, interrogé les équipes, testé puis ajusté. La gestion des plannings est devenue plus “sportive”, mais nous avons trouvé des solutions : possibilité pour un collaborateur de travailler et de récupérer son jour off (déplacements, urgences client), journée hebdomadaire où toute l’équipe est présente pour maintenir la cohésion… Et le cabinet reste ouvert cinq jours sur cinq pour être toujours disponible pour nos clients.
F.R. : La semaine de quatre jours existe déjà partiellement dans notre cabinet, pour certains collaborateurs parents qui prennent leur mercredi. Mais généraliser le dispositif poserait de réels problèmes d’organisation : choix de jours différents selon chacun, difficulté à planifier des réunions ou des formations communes… Combiné au télétravail, ce choix réduirait fortement la présence dans les locaux. Il deviendrait impossible de rassembler toute l’équipe, ce qui nuirait à la cohésion, au partage d’informations et à l’expérience collective.

Est-ce réellement adapté aux contraintes des cabinets ?
E.G.-C. : Oui, et c’est le vrai défi. Pendant les périodes fiscales, nous devons rester flexibles : certaines personnes peuvent revenir ponctuellement à cinq jours, ou bien organiser différemment les plannings en réaffectant des travaux. L’essentiel est d’adapter le modèle aux contraintes du moment. Ce dispositif nous oblige à repenser la priorisation des tâches et l’organisation des process. Il démontre aussi la capacité de notre profession à innover et à répondre aux enjeux sociaux et environnementaux actuels.
F.R. : Je vois surtout un risque de perte de productivité et une pression accrue sur les collaborateurs. Sur une base de 35 heures hebdomadaires, réparties sur quatre jours, cela reste envisageable. Mais dès qu’on parle de 39 heures, les journées deviennent trop longues et fatigantes. Pendant les périodes fiscales, cela me paraît totalement inadapté, même si l’on peut jouer un peu sur le lissage des dates de clôture. »