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L’anticipation est le facteur décisif pour sauver les entreprises

Bruno Da Silva, Président du Tribunal de commerce de Lyon

Élu en novembre dernier à la présidence du tribunal de commerce de Lyon, Bruno Da Silva a récemment pris ses fonctions, fin janvier, à l’occasion de l’audience solennelle de la juridiction consulaire. Installé dans son nouveau fauteuil pour les quatre prochaines années, l’entrepreneur lyonnais décline sa feuille de route et s’exprime sur l’avenir de la santé économique des entreprises régionales.

Quels sont les grands axes de votre mandature ?

« Notre première intention est de faire de notre juridiction le « tribunal de l’amiable », pour aboutir à une justice plus rapide et moins destructrice de valeurs. Ce tribunal se distingue par son engagement à résoudre les litiges de manière amiable, ainsi qu’à placer les entreprises concernées dans un cadre de protection pour qu’elles puissent résoudre leurs difficultés financières. L’objectif étant d’anticiper ces difficultés avant que les sociétés ne soient concernées par des procédures collectives. Deuxièmement, nous aspirons à moderniser et à renforcer l’efficacité de notre tribunal afin de fournir aux entreprises des décisions de justice rapides, répondant ainsi à leurs besoins urgents. Enfin, notre dernier objectif est de promouvoir notre image, l’exemplarité de notre juridiction en garantissant la qualité de nos jugements, en respectant les délais impartis, et en observant un comportement irréprochable.

Comment se porte la santé économique des entreprises ?

C’est une période délicate. Leur défaillance reste l’un des sujets les plus prenants de notre juridiction. En 2023, nous avons connu 1 515 procédures de redressement et de liquidation judiciaire. La progression observée en 2023 par rapport à 2022, une hausse de 40 %, peut sembler impressionnante. Cependant, il est important de rappeler que pendant la crise sanitaire, un certain nombre de sociétés ont échappé au cycle habituel de défaillances qui caractérise la vie des entreprises. L’année dernière, nous avons rattrapé environ 150 dossiers, mais près de 1 300 entreprises n’ont toujours pas suivi le rythme normal des procédures de redressement et de liquidation judiciaire. Ces chiffres sont importants, mais si on les relativise, ce n’est pas si inquiétant. Ce qui peut réellement susciter des préoccupations, ce sont les situations dans lesquelles se présentent devant nous les entreprises, avec des niveaux de vulnérabilité et de dettes considérables.

Bruno Da Silva
Ces situations sont-elles amenées à se poursuivre en 2024 ?

Nous prévoyons une nouvelle progression notable cette année par rapport à l’année précédente. Bien que je ne puisse pas fournir une estimation précise du taux de défaillance, il devrait augmenter, avec une tendance aujourd’hui de 25 à 30 % de cas supplémentaires. Cependant, rappelons-nous les années 2020 et 2022 pendant lesquelles le niveau de défaillance était nettement inférieur à la normale.

Quelles sont vos solutions pour prévenir ces risques ?

Nous entreprenons plusieurs initiatives, notamment un partenariat avec l’association Bol d’Air qui vise à assister les entrepreneurs en difficulté lors de consultations. Nous avons également une équipe de juges dédiés à la mission de prévention. Leur rôle est de repérer, à travers l’analyse de signaux subtils, les éventuels risques de défaillance d’entreprise et d’inviter les dirigeants à évaluer leur situation, afin de leur présenter les options
juridiques disponibles pour les aider à se restructurer. Ensuite vient la phase de prévention et de traitement qui consiste à mettre en place des procédures amiables, de conciliation ou de mandat ad hoc, pour protéger l’entreprise et lui permettre, dans un cadre confidentiel, de renégocier un certain nombre d’engagements pour la relancer sur de bonnes bases. 37 % des conciliations en France sont notamment traitées par le tribunal de commerce de Lyon.

Quelle est votre vision de l’expert-comptable ?

L’expert-comptable joue un rôle de proximité et de conseiller du dirigeant qui est déterminant. Il est capable de l’orienter vers des professionnels de la restructuration, dès lors qu’il détecte des signes avant-coureurs d’une possible défaillance. Il est le mieux placé pour proposer de nouvelles mesures et aider le dirigeant à protéger les intérêts de l’entreprise, d’autant plus que celui-ci ne parvient pas toujours à appréhender la réalité des difficultés qu’il rencontre. »