Soutenir nos agriculteurs, c’est préserver notre souveraineté alimentaire

Fort de plusieurs années d’engagement à la tête de la Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles (FRSEA) et de la chambre d’agriculture de l’Ain, Michel Joux a été élu, le13 mars, président de la chambre régionale d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes. Un nouveau tournant pour ce dirigeant spécialisé dans l’élevage ovin et le maraîchage à Lompnas, déterminé à défendre les intérêts du monde agricole.

Quelle vision portez-vous sur les six années à venir de votre mandat ?
« Notre ambition est claire : être pleinement au service des agriculteurs et du développement d’une agriculture forte sur notre territoire. Plusieurs axes stratégiques guideront notre action : renforcer la performance de notre réseau, mutualiser les initiatives locales, porter nos voix auprès des pouvoirs publics… Mais l’un des enjeux les plus cruciaux reste l’accompagnement à l’installation des agriculteurs.
Les chiffres sont préoccupants et nous devons agir pour inverser la tendance. Nous devrons également adapter les outils agricoles à un contexte économique et climatique en constante évolution. L’agriculture de demain devra être plus résiliente et plus innovante. Pour rester compétitifs, nos exploitants devront adapter leurs pratiques.


Malgré les tensions actuelles, peut-on réconcilier agriculture et écologie ?
Non seulement c’est possible, mais c’est même indispensable – car l’agriculture est une composante essentielle de l’écologie. Certains discours très dogmatiques ont pu entretenir l’idée d’un affrontement entre ces deux sphères. Or, notre rôle est justement de dialoguer avec tous les acteurs pour bâtir des solutions communes et concrètes. L’objectif est de garantir l’autonomie et la souveraineté alimentaire de notre pays. Nous ne pourrons pas répondre aux enjeux actuels en prônant la décroissance. La France a besoin de produire plus et mieux, de manière durable, en valorisant la production locale et nationale. Aujourd’hui, notre production recule. Il faut soutenir nos exploitants et surtout sortir d’une logique punitive. Pourquoi ne pas instaurer un système de “bonus” pour les agriculteurs vertueux plutôt qu’un système de sanctions dès qu’une imperfection est relevée ?

Un agriculteur sur deux partira à la retraite d’ici 2030. Comment garantir la relève de la profession ?
La clé est la communication et surtout un discours porteur d’espoir. Sans occulter les difficultés, il est essentiel de valoriser ce qui fonctionne, ce qui rend ce métier si riche et si humain. Il faut donc agir sur la rentabilité : aujourd’hui, elle reste en décalage avec l’ampleur des investissements – financiers, humains et techniques – que nécessite ce métier. Des lois comme Égalim vont dans le bon sens, mais le chemin est encore long. Par ailleurs, notre rôle, avec le soutien des pouvoirs publics, est aussi de valoriser concrètement le travail des agriculteurs. Cela peut sembler anodin, mais cette reconnaissance est capitale. L’image de la profession est trop souvent dégradée. Elle détériore le moral de ceux qui l’exercent et décourage ceux qui voudraient se lancer. On ne peut pas attirer des jeunes s’ils sentent qu’ils ne seront ni respectés ni soutenus.

Quel constat tirez-vous depuis les mobilisations massives du secteur ?
Les mobilisations ont permis d’obtenir des avancées significatives. Même si cela a mis du temps, on a vu des résultats concrets : le maintien du GNR (gazole non routier, NDLR), des allègements fiscaux, et surtout, la suppression de surtranspositions réglementaires qui alourdissaient notre quotidien sans bénéfices clairs pour les exploitations. Mais le vrai problème est cette accumulation de normes, souvent déconnectées de la réalité du terrain. Nous ne sommes pas hostiles aux règles, nous demandons qu’elles soient cohérentes et fondées sur la confiance. Aujourd’hui, on est trop souvent dans une logique de suspicion et de surcontrôle. On demande aux agriculteurs français de produire toujours mieux, avec des standards très élevés… ce qui fait exploser les coûts de production. Alors que nos concurrents étrangers inondent nos marchés avec des produits qui ne respectent pas nos normes. Il faut une vraie stratégie de soutien à l’agriculture française.

Quelle est votre vision du rôle de l’expert-comptable ?
L’expert-comptable ne se limite pas à manipuler des chiffres. Il doit être un véritable conseiller stratégique pour l’agriculteur. C’est dans ce rôle de conseiller qu’il apporte de la valeur : en éclairant le dirigeant sur les décisions à prendre, les actions à mettre en place, ou celles à ajuster pour optimiser et faire prospérer son exploitation. Dans un secteur agricole parfois mal compris sur ces thématiques, une meilleure collaboration entre nos professions permettrait de bâtir une agriculture plus performante et durable. »


L’éco en bref

-0,3% de baisse cumulée de chiffre d’affaires (CA) sur le 1er trimestre 2025 par rapport au 1er trimestre 2024. Au 1er trimestre 2025, l’indice de chiffre d’affaires (ICA) des 98 000 TPE-PME d’Auvergne-Rhône-Alpes de notre échantillon est de 99,7, soit une diminution de CA de 0,3 % en valeur par rapport au 1er trimestre 2024. Il s’agit du second trimestre consécutif de repli de l’activité pour les structures de l’échantillon, dans un contexte de poursuite de la hausse du nombre de défaillances, selon le rapport Altares du 1er trimestre 2025. Cette performance les place au 8e rang du classement national avec un résultat égal à la moyenne française.